A travers différents dossiers que nous avons eu l’occasion de traiter dernièrement, nous constatons que l’administration fiscale, en matière d’impôt des sociétés, recourt de plus en plus souvent au rejet des pertes fiscales reportées dès que la déclaration fiscale d’une société est rentrée tardivement.

Par une loi de réforme de l’ISOC du 25 décembre 2017, le législateur a inséré un septième alinéa dans l’article 207 du C.I.R./1992 qui permet désormais à l’administration fiscale de n’appliquer aucune des déductions – et notamment les pertes fiscales reportées – sur la partie du résultat qui fait l’objet d’une rectification ou d’une imposition d’office, à la condition que des accroissements d’impôts de 10% ou plus soient effectivement appliqués.

Cette pratique peut avoir des conséquences financières importantes lorsque les pertes fiscales reportées de la société sont élevées. Or, nul n’est à l’abri de faire l’objet d’une rectification ou d’une imposition d’office, plus encore en cette période de crise sanitaire qui rend le respect des délais de dépôt de la déclaration fiscale parfois compliqué.

Cette pratique nous semble toutefois contestable et différents arguments peuvent être invoqués afin de contester l’application de ce régime.

Tout d’abord, remettre en question de la constitutionnalité du régime mis en place par l’article 207, alinéa 7 du C.I.R./1992 dans la mesure où ce régime fait dépendre le rejet des déductions à l’application effective d’accroissements d’impôts alors que le renoncement aux accroissements est lié à l’appréciation humaine du contrôleur en charge du dossier. Autrement dit, l’application de ce régime est tributaire de l’appréciation subjective du contrôleur fiscal et ne dépend dès lors pas d’un critère objectif.

Ensuite, lorsque ce régime est appliqué dans le cadre d’une imposition d’office mise en œuvre à la suite d’un dépôt tardif de la déclaration fiscale, insister sur le caractère facultatif du recours à l’imposition d’office prévue à l’article 351 du C.I.R./1992. En effet, le recours à l’imposition d’office en cas de déclaration tardive est bien une faculté dans le chef de l’administration fiscale et non pas une obligation. Or, si l’administration ne procède pas à une imposition d’office, elle ne peut pas faire usage de l’article 207, alinéa 7 du C.I.R./1992 et rejeter les pertes fiscales reportées de la société.

En outre, rappeler le principe « non bis in idem » lorsque l’administration fiscale a déjà appliqué une amende administrative pour dépôt tardif de la déclaration.

Enfin, jouer sur l’application d’accroissements d’impôts en tentant de convaincre l’administration fiscale, à travers divers éléments tenant à la situation particulière de la société concernée, de la bonne foi du contribuable et demander ainsi à l’administration de renoncer à leur application. En effet, le rejet des pertes est conditionné par l’application d’accroissements d’impôts d’au moins 10%. Si l’administration renonce aux accroissements d’impôts appliqués en l’espèce, elle est donc également contrainte de renoncer à l’application de l’article 207, alinéa 7 du C.I.R./1992.

Si vous êtes malheureusement confronté à cette situation ou pour tout renseignement complémentaire quant à ce régime, n’hésitez pas à nous contacter.

Pour le Cabinet,

Julien BUY – Avocat fiscaliste à Namur